Réveil à 1h. Départ à 2h. Arrivée dans les environs de Serres à 10h. Casse croûte. Le régiment repart en formation de combat, colonne de bataillon pour prendre l’offensive dans la région d’Arracourt. Chaleur exceptionnelle.
Arrivée au Signal des allemands, Côte occupée par l’ennemi qui s’est retiré à notre approche car nos 75 arrosent la crête.
Nous atteignons avec beaucoup de peine cette crête. Je suis à bout de forces, j’ai les épaules meurtries par le poids du sac trempé de sueur. En haut nous trouvons deux blessés allemands et faisons plusieurs prisonniers. Il y a plusieurs tués chez eux. Nous n’avons aucune perte. Là nous voyons des musiciens du 156ème. Notre artillerie tire toujours et nous, debout sur la première côte, nous voyons les obus éclater sur une autre puis dans une ferme où nous apercevons des groupes de cavaliers ennemis qui se sauvent au galop. Nous rions mais à ce moment arrive la première salve de leur 77 qui éclate juste au dessus de nous. Nous mettons vivement le sac sur le dos et nous nous mettons en carapace. Les salves arrivent sans interruption. Petit à petit nous nous replions derrière la crête pour ne pas être vus.
Nous partons un peu en arrière de la zone de tir qui heureusement est très restreinte. Première fois que l’on voyait éclater leurs « shrapnells »* : en l’air un sifflement aigu, une petite flamme suivie d’un tourbillon de fumée jaune, le bruit de l’explosion et le sifflement des éclats projetés à tout vent.
Les compagnies sont moins heureuses que nous. Pour eux, il faut rester là ; et déjà il y a des blessés et nous commençons à fonctionner. Nous laissons dans un seul tas tous nos sacs et instruments et, par équipes de quatre avec un brancard, nous partons. Nous arrivons sur la crête. On charge notre blessé en hâte et en redescendant nous essuyons de nouvelles salves d’artillerie ennemie. Impossible de se mettre à couvert. Nos hommes de compagnie commencent seulement à faire des tranchées pour s’abriter. Les éclats nous sifflent aux oreilles mais nous continuons quand même d’avancer. Encore de nouveaux blessés dans les compagnies.
Des musiciens et des brancardiers se planquent et ont peur. Impossible de former de nouvelles équipes. Nous repartons ainsi plusieurs fois. Je suis bientôt éreinté. J’ai peine à me tenir debout mais je marche quand même jusqu’au soir. La canonnade ne cesse que vers 8h et demie alors nous pensons à manger car le ventre n’avait que le casse – croûte du matin et ce soir, pas de ravitaillement. Nous sommes obligés de partager le pain qui nous reste et de manger les vivres de réserve des blessés car il nous est défendu de toucher aux nôtres. Aussi pour la première journée, je l’avais sec. Rien à becqueter et complètement vanné.
Le macabre service que l’on doit remplir nous fait souffrir moralement.
Mon espoir n’est pas tout à fait perdu mais peu s’en faut et de plus où coucher ?
J’ai oublié de dire plus haut que tout au pied de cette côte se trouvait une ferme inhabitée. Tout contre passait une route. Notre poste de secours était installé dans cette ferme où l’on ramenait tous les blessés pour les panser en attendant que les voitures les emmènent. Alors dans tous ces bâtiments on ne pouvait y coucher à cause de l’odeur nauséabonde dégagée par les blessés et de l’extrême chaleur de la journée, une odeur âcre et insupportable de sang coagulé.
Nous sommes réduits à coucher en face de l’autre côté de la route dans un pré.
Là était étendu un arbre et nous voici toute la Musique installés autour, la tête contre cet arbre. Il fait froid, le brouillard tombe, nous sommes trempés.
bonjour, je pense qu’il s’agit dans ce récit de la ferme dite de « Riouville » sur la commune d’Arracourt qui se trouvait sur la ligne de front mais comme le narrateur parle d’une ferme inhabitée, peut être s’agit-il plutôt de celle de la « Basse-Foulcrey », commune de Valhey mais située entre Serres et Arracourt qui était déjà inhabitée en 1914 et qui ne fut jamais reconstruite, à la différence de Riouville.